Ceux qui sauront, de Pierre Bordage - Une uchronie jeunesse

"Ceux qui sauront" est une uchronie (= une réécriture de l'Histoire, pour faire court). Dans ce roman, Pierre Bordage* nous pose l'intéressante question : "Et si la Révolution française de 1789 ne s'était pas passée comme prévue ?".
*Pour ceux du fond, Pierre Bordage est un auteur français, principalement de science-fiction, aux valeurs humanistes affirmées. Il a écrit pleiiiin d'ouvrages, et a gagné pas mal de prix littéraires.
Quatrième de couverture :
Et si la Révolution française n'avait pas eu lieu ? Voici le portrait d'une France qui ne fut jamais, où une minorité d'aristocrates, continue, aujourd'hui, d'asservir les masses populaires, notamment en interdisant l'instruction. Jean, fils d'ouvrier, en fait la dure expérience lorsqu'une descente de police met un terme brutal aux cours qu'il suit clandestinement. Incarcéré, puis libéré par la Résistance, il devient un hors-la-loi. Clara, elle, est née du bon côté de la barrière. Pourtant, la vie dorée qu'on lui impose et les inégalités dont souffre son pays la révoltent. Deux personnages, un destin commun : changer le monde...
A chaque chapitre, on passe du point de vue de Jean à celui de Clara, de celui de Clara à celui de Jean, qui passe à celui de Clara, qui passe à celui de Jean... Bref, t'as compris. On a une narration à deux points de vue, alternée. L'auteur s'amuse donc à finir ses chapitres sur une action en mouvement, pour te créer un petit cliffhanger sympatoch et te faire patienter tout un chapitre pour découvrir ce qui est arrivé à ce personnage.
L'intrigue m'a semblé un peu convenue, avec un déroulement sans trop de surprises, mais finalement, la fin s'est révélée moins prévisible que prévue.
"Ceux qui sauront" reste un roman visant la jeunesse, c'est pourquoi on retrouve des aspects des contes pour enfants au fil des pages (des références au "Petit Chaperon Rouge", un personnage secondaire qui peut s'apparenter à un ogre caché dans la forêt, des châteaux, une connexion amoureuse immédiate, presque surréelle (sans savoir où est l'autre, ils sont capables de se détecter à l'instinct... si ça ce n'est pas magique ! Bien des gens jaloux rêveraient d'avoir ce pouvoir pour fliquer leur conjoint :P)...)
Les relations familiales des deux jeunes gens sont complexes et plutôt bien traitées, dans le sens où elles ne sont pas manichéennes. Les parents que l'on ne comprend pas, peuvent être des parents plein d'amour, comme des parents pour lesquels on a l'air de compter, peuvent agir de manière soudainement injuste et horrible.
Le fond de l'histoire s'appuie sur différents principes importants : le droit au savoir, la démocratie, l'égalité entre les classes, l'ouverture sur le monde, etc... Bordage glisse judicieusement (mais peut-être malheureusement trop brièvement) dans ses dialogues, un débat entre évolution et traditions.
"J'y suis déjà en prison. La maison de mes parents est une prison. Et la maison de mon futur mari sera également une prison. Je n'ai pas d'autre choix que de passer d'une prison à une autre. - ça porte un autre nom, mademoiselle : la tradition. - La tradition, c'est ce qui fige. J'ai envie d'apprendre, de découvrir, d'évoluer."
Je trouve ça chouette de rappeler que le monde bouge et qu'il faut évoluer avec lui, se montrer ouvert aux changements et ne pas rester camper sur ses idées dépassées...(Salut la vieille France!)
En résumé, cette uchronie n'est pas hyper palpitante (ou alors je suis peut-être un peu trop vieille pour l'apprécier pleinement ? Elle conviendrait plus à un public adolescent ?), mais elle met en valeur des principes intéressants, permet de revisiter une période charnière de notre histoire, à l'aide d'une écriture tranquillement élégante. Elle m'a également donné envie de scander à plein poumon la belle devise de notre pays : "Liberté, égalité, fraternité". Devise que nous ferions mieux de ne pas oublier, au regard des temps qui courent.

"Si ce livre était un plat", ce serait du pain sortant du four.