Journal d'un vampire en pyjama, de Mathias Malzieu - Poétique et dur
J'aime Mathias Malzieu. Sa plume me parle. C'est toujours poétique, et il sait faire faire des acrobaties aux mots. Les petites lettres se plient selon sa volonté, enchaînent trois pirouettes, deux saltos, et retombent parfaitement là où il faut.
Il utilise des images d'une force calculée, et réussit ses métaphores filées avec brio. Bref, c'est un magicien un peu fou, qui sait mélanger tous les ingrédients pour obtenir un cocktail parfait, quand toi tu te réjouis de sortir un jeu de mot débile comme "eh ! A demain ! - Ouais ! A deux pieds !"
J'aurais du mal à expliquer à quel point j'admire le travail de ce gars, c'est un peu comme si ce qu'il disait, rentrait parfaitement en résonance avec la personne que je suis.
"Jack et la mécanique du cœur" m'avait conquise, "Le plus petit baiser jamais recensé" m'avait enthousiasmée, "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi", transpercée. J'ai tout de suite voulu avoir son nouveau titre, lorsque j'ai su qu'il en sortait un, lors de son passage à La Grande Librairie.
"Journal d'un vampire en pyjama" est une oeuvre plus intimiste, l'artiste se livre de but en blanc, sans se cacher derrière des personnages, des aventures imaginées. On rentre vraiment dans sa vie personnelle, même si c'était déjà le cas dans "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi" (qui parle du décès de sa maman), ici c'est encore plus présent, les éléments fantastiques sont quasi-inexistants.
Je préfère vous prévenir, le sujet est dur : c'est l'histoire de la découverte de la maladie de l'écrivain-poète-chanteur. Un jour, après une prise de sang parce qu'il se sentait fatigué, et qu'il avait du mal à respirer, le verdict tombe : aplasie médullaire.
La moelle osseuse de l'artiste ne fonctionne plus. Il est question de greffe, de chimiothérapie pour le soigner, mais avant d'envisager tout cela, son seul moyen de survivre, c'est de se faire transfuser. Sans le sang des autres, son taux de plaquettes, de globules blancs et rouges, s'effondre. A ses yeux, il devient un vampire.
On suit alors le parcours de l'homme dont la vie vient de basculer, et qui ne tient plus qu'à un fil. Honnêtement, quand j'ai lu par où il était passé, toutes les phases d'espoir et de découragement qui se sont alternés, ses hémorragies, ses opérations... Je me suis dit qu'il fallait vraiment avoir du courage pour surmonter tout ça.
Mais à aucun moment le "vampire en pyjama" ne s'apitoie sur son sort. Certains passages avec sa famille, son amoureuse, m'ont crevé le cœur (mon dieu, la page 67... si j'avais pu me téléporter dans le temps, j'y serais allée pour les serrer dans mes bras), parce que ça a dû être vraiment difficile et que j'ai vraiment eu l'impression qu'on me confiait un morceau d'une vie avec franchise et honnêteté. L'émotion est là, présente, mais avec beaucoup de pudeur, et sans jamais, absolument jamais, tomber dans le pathos.
Moi qui suis phobique du sang, qui déteste l'environnement de l'hôpital, j'ai dû me faire violence pour traverser certains passages. L'univers de la maladie est bien présent, et ça m'a retourné parfois l'estomac (en particulier au tout début du roman, quand Mathias Malzieu subit un myélogramme... Brrr... On lui enfonce un instrument dans le sternum pour lui prélever un bout de moelle osseuse).
Toutefois, heureusement, comme des bouffées d'air frais, l'auteur remet un peu de distance avec la dureté de la réalité, grâce à ses jeux de mots, et ses néologismes. Il invente le personnage de Dame Oclès, une femme ultra-sexy parfois glaçante, qui se trimbale avec son épée, le taquine à chacune de ses rechutes, et furète dans les environs en attendant qu'une seule chose : qu'il succombe à la mort.
L'artiste nous dépeint le portrait d'autres malades et des membres du chaleureux corps médical, qui l'enveloppe de gentillesse et de soins. On ressent son profond respect pour ces personnes qui lui ont sauvé la vie, et cette ode est très jolie.
Enfin, pour tous les fans des romans de Malzieu, celui-ci est assez extraordinaire, car il est plein de références à ses anciens textes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, avec cette maladie, l'auteur vient de se télescoper avec certains de ses personnages, comme si ses romans étaient des prédictions de son futur...
Enfin, avec ce livre, on a la chance de pouvoir découvrir en complément tout un univers musical, puisque le groupe Dyonisos dont Mathias Malzieu est le chanteur, vient de sortir aussi un CD nommé "Vampire en pyjama", dont voici des extraits :