V pour Vendetta, de David Lloyd et Alan Moore - Une BD culte

Evey a 16 ans, et vit dans une Angleterre totalitaire. Le racisme, l'homophobie, le sexisme, sont la norme. Elle est orpheline, sans le sou, et un soir, pour survivre, elle est obligée de se prostituer.
Elle propose alors ses services à un homme. Un homme mauvais. Alors qu'Evey se retrouve maintenue contre un mur, où on lui annonce qu'elle sera violée puis assassinée, elle voit une personne masquée s'approcher.
Sous ce masque au sourire figé, c'est V. Un terroriste. Un anarchiste. Un libérateur. Il sauve la petite, et s'enfuit avec elle sur les toits, d'où ils observent les bombes que V a placées au palais de Westminster, exploser.
De là, il emmène Evey dans ses quartiers, où elle reprend goût à la vie, parmi les tableaux, les musiques, les livres, les films interdits par la société, que V a conservés. La petite le regarde avec admiration, jusqu'à ce qu'elle réalise que pour la liberté, et pour sa vendetta personnelle, son héro est capable de se transformer en assassin...

J'ai reçu l'intégrale pour Noël, ce qui m'a permis d'enchaîner tous les tomes. Je n'étais au départ, pas très attirée par les graphismes, je trouvais les dessins et la colorisation un peu "vieux" (mais normal, la première BD était sortie dans les années 1980), toutefois j'étais extrêmement curieuse de découvrir l'histoire dans sa version originale (car j'avais déjà vu plusieurs fois, le film avec Nathalie Portman. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, filez voir la bande-annonce ici !).
Je n'ai pas été déçue. Très vite, je me suis faite aux dessins de David Lloyd, et leur ai trouvé des subtilités. La mise en image a souvent du sens et des références se cachent dans les arrières plans. Et puis l'histoire nous embarque...
On croise une foule de personnages immondes, malsains : un ancien kapo fan de poupées, un homme d'église pédophile, une dominatrice sans cœur, un mari violent, un politicien amoureux d'une machine, des crapules des bas quartiers, bref ! Plein de gens avec qui on adorerait dîner !
Parfois, je me suis un peu perdue parmi tous ces personnages. Certains traits du visage se ressemblaient, et je retenais très mal les prénoms. Donc pour savoir si ce type-ci bossait à la Main, ou au Nez, ou qu'est-ce... ça devenait compliqué de se repérer.
Mais ce n'est qu'un défaut oubliable. Le raisonnement politique et la réflexion amenée vaut bien ce petit désagrément. Car effectivement, on se retrouve face à un argumentaire fascinant.
Pour bien commencer, les papas de V pour Vendetta, on choisit de créer le masque de V, à l'effigie de Guy Fawkes, un célèbre terroriste anglais qui a participé à la Conspiration des poudres (= un complot qui avait pour but de déclencher un attentat au Parlement). Niveau provoc', ils se sont faits plaisir.
Le propos met ensuite rudement en cause la surveillance numérique (coucou les lois après les attentats !), le fascisme, le racisme, l'homophobie, le sexisme. Et honnêtement, ça m'a fait du bien de voir toutes ces dénonciations. Les images sont donc parfois dures, mais paradoxalement, ça m'a soulagé, comme si le simple fait de reconnaître toutes ces atrocités, de ne pas fermer les yeux, m’ôtait un poids.

Au final, je ne sais pas trop quoi penser de V. Je le trouve fantastique, mais il y a certains aspects de sa personnalité qui me dérange, notamment dans sa relation avec Evey (on n'est pas très loin d'un syndrome de Stockholm tout de même...). Je n'en dirais pas plus, pour ne spoiler personne, mais je ne suis pas certaine de la pertinence de toutes ses décisions pour "ouvrir les yeux" à la jeune fille.
Seule la fin de l'oeuvre m'a très légèrement déçue : j'avais été très émue par ce passage dans le film, et je m'attendais donc à une vive émotion, que je n'ai finalement pas retrouvé entièrement à ma lecture. Mais cela est certainement dû à l'effet de surprise en moins. Je ne dis pas que la fin n'est pas intense, mais plutôt que j'ai préféré l'adaptation cinématographique sur ce point.
En tout cas, V pour Vendetta est une oeuvre de référence qui risque d'être intemporelle, au discours politique fort et à la poésie subtile, qui mérite d'être lue.
Même si l'on n'est pas intéressé(e) par la politique, le mystérieux personnage de V est là pour nous hanter. Est-ce un homme ? Une femme ? Quel est son passé, son histoire ? Nul ne le sait, à part Moore et Lloyd, qui gardent jalousement le secret de ce qui se cache derrière ce masque au sourire crispé.
"Si ce livre était une boisson", ce serait un verre de vin rouge, de la couleur du sang, parfois acre, mais subtil et profond.