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LE LIVRE DES CHOSES PERDUES - A ne pas perdre de vue !


Vous ne connaissez certainement pas ce livre (et c'est bien dommage !) si vous avez à peu près mon âge, car il est sorti en 2009. Et même si à 15 ans j'étais déjà une grande lectrice, je n'étais surement pas encore prête à me confronter à ce texte bien plus à destination des adultes que des enfants.

Alors oui, le personnage principal, David, est un petit garçon, et oui, on assiste à une réécriture des contes de notre enfance, mais très clairement, éloignez les enfants !

David vit dans un Londres se préparant à subir la Seconde Guerre mondiale. Toutefois il n'est pas préoccupé par cet événement tristement historique, car sa mère est en train de mourir. Elle s'éteint peu à peu dans son lit peuplé de livres, jusqu'à disparaître de manière irréversible. L'enfant est dévasté par son deuil, mais son père parvient à reprendre pied, et retrouve même une compagne. La douce Rose s'incruste donc dans cette famille amputée et leur offrira un nouveau foyer. Dans sa grande demeure à la campagne, la belle-mère donnera naissance à Georgie, un petit poupon que jalousera immédiatement David.

Isolé, David se sent à l'écart de sa famille transformée. Il se réfugie dans sa chambre sous les toits où les livres se mettent à lui murmurer des paroles. Malgré des séances chez le psy, une voix l'attirera obstinément en dehors de son lit une certaine nuit. Il avancera dans le jardin, et se glissera dans la brèche d'un mur alors qu'un avion allemand s'écrasera à cet endroit précis, accompagnant son passage dans un autre monde, d'un déluge de feu.

L'enfant à demi-orphelin arrivera alors dans une forêt où les arbres saignent, et sera accueilli par un garde forestier à la hache pleine de restes de loups qu'il vient de trucider. Son nouveau compagnon lui conseillera de trouver le Roi de ce royaume, car il aurait en sa possession "Le livre des choses perdues" qui lui permettrait certainement de retrouver un passage vers son monde.

Mais son périple ne sera pas de tout repos : entre les Sires-Loups qui le prennent en chasse (et je ne vous raconte pas l'origine de ces bestioles qui peut mettre mal à l'aise...), une chasseresse qui croise les enfants avec des animaux pour s'amuser, une horrible ensorceleuse, une Bête cauchemardesque qui attaque des villages, David ne pourra compter que sur lui-même et une poignée d'amis.

Le garde forestier sera un bon guide, mais vous rencontrerez aussi les 7 nains hilarants dans leur rôle de communistes, et un certain Roland, un chevalier possédant un amour caché.

Et je dois encore vous parler du pire de tous les ennemis de David : L'homme biscornu. Ce personnage qui n'est autre qu'une version du Tricheur / Tracassin / Rumplestiltskin, est d'une perversité dérangeante. Il suit David partout où il va, et cherche à le manipuler. Ce monstre est un ramassis d'immondices et donne une tonalité extrêmement noire à ce royaume.

Malgré cette noirceur, ce roman m'a touché, et certains passages me sont apparus en contraste, beaux. Toute l'humanité de David redonne de l'espoir, et certaine de ses amitiés ramènent un peu de douceur dans ces aventures dures.

J'ai été particulièrement fasciné de voir ce qu'avait fait John Connolly des contes classiques, comment il les avait détournés. Alors, certes, les contes n'ont jamais été très softs dans leur version d'origine, pourtant ici, ils prennent une toute autre dimension.

L'auteur a également travaillé sur la forme; la structure de l'histoire est proche de celle d'un ancien récit d'initiation chevaleresque. De plus, il donne une autre dimension à l'objet papier que l'on tient dans nos mains, à la toute fin de son oeuvre, nous délivrant une dernière petite révélation surprise.

Enfin, ne vous attendez pas à une lecture reposante, et optimiste. Le livre des choses perdues à un aspect triste et met en évidence l'atrocité de l'humanité jusque chez les enfants. Mais ce livre m'a donné le sentiment d'être face à un texte de référence, comme s'il avait tout pour devenir un classique de la littérature de fantasy/fantastique (car ici la frontière est très mince).

Je vous laisse avec un extrait qui m'a plu et qui donne bien le ton profond de l'histoire, je trouve :

"Ton monde est en train de voler en éclats et, le plus drôle, c'est que ta situation était à peine moins catastrophique avant la guerre. La guerre fournit juste un prétexte pour que les hommes s'abandonnent librement à leurs bas instincts et tuent en toute impunité. Il y a eu d'autres guerres avant celle-ci et il y en aura d'autres après, et entre chaque guerre les gens continueront de se quereller, de se faire souffrir, de s'estropier et de se trahir parce que c'est ce qu'ils ont toujours fait. Et puis, à supposer que tu échappes à la guerre ou à une mort violente, que crois-tu que la vie te réserve, petit garçon ? Tu as déjà vu de quoi elle était capable. Elle t'a arraché ta mère, elle l'a vidée de sa beauté et de sa santé, puis elle l'a jetée comme un vulgaire fruit rabougri et pourri. Et, crois-moi, la vie n'a pas fini de te voler ceux que tu aimes : les femmes dont tu seras amoureux comme les enfants que tu chériras finiront par tomber sur le bas côté et ton amour ne suffira pas à les sauver. Ta santé aussi te trahira. Tu vieilliras, la maladie s'emparera de ton corps, tes membres te feront souffrir, ta vue faiblira, ta peau jaunira et se flétrira. Tout au fond de toi se réveilleront des douleurs qu'aucun docteur ne saura guérir. Les maladies trouveront en toi des endroits chauds et humides où prospérer, elles proliféreront à travers ton organisme, le détruiront cellule par cellule jusqu'à ce que tu supplies les médecins de te laisser mourir, d'abréger tes souffrances. Mais ils n'en feront rien : tu continueras de vivre sans personne pour te tenir la main ou caresser ton front, jusqu'à ce que la Mort vienne t'emporter dans sa nuit. Crois-moi, la vie que tu as quitté n'a rien d'une vie. Ici, tu peux être roi, et je te laisserai vieillir dans la dignité, à l'abri de la déchéance physique. Quand ta dernière heure aura sonné, je te plongerai doucement dans le sommeil et tu te réveilleras dans le paradis que tu auras choisi car chaque homme invente en rêve son propre paradis"

- John Connolly, Le livre des choses perdues